Utiliser l’intelligence artificielle pour prédire l’avenir des MII au Canada

Dr. Gil Kaplan

Dans le domaine de la médecine, peu de maladies ont connu une augmentation aussi spectaculaire à l’échelle mondiale que les maladies inflammatoires de l’intestin (MII) — un terme générique qui englobe la maladie de Crohn et la colite ulcéreuse. Alors que le nombre de Canadiens vivant avec une MII continue d’augmenter, une question cruciale se pose aux patients, aux prestataires de soins de santé et aux décideurs : comment se préparer pour l’avenir?

Une étude révolutionnaire, publiée dans Nature en avril 2025, apporte de l’espoir (et des réponses) en utilisant la puissance de l’intelligence artificielle (IA) pour prédire le fardeau futur des MII au Canada et dans le monde. Cette initiative internationale, dirigée par le Dr Gilaad Kaplan et la Dre Siew Ng, a analysé plus d’un siècle de données concrètes provenant de 82 régions et de plus de 500 études basées sur la population, offrant ainsi le portrait le plus complet à ce jour de l’évolution des MII à travers le temps et la géographie.

Le pouvoir de la prédiction

Traditionnellement, les chercheurs suivent l’évolution des MII en mesurant deux indicateurs clés : l’incidence (le nombre de nouveaux cas par an) et la prévalence (le nombre total de personnes vivant avec la maladie). Mais ces chiffres, à eux seuls, ne racontent qu’une partie de l’histoire. Et si nous pouvions les utiliser pour prévoir ce qui nous attend?

C’est précisément ce que l’équipe de recherche a entrepris de faire. En développant un classificateur d’apprentissage automatique — un type d’intelligence artificielle capable « d’apprendre » à partir de données — les chercheurs ont pu classer automatiquement les régions en quatre « stades épidémiologiques » distincts des MII. Ces stades reflètent la manière dont la maladie émerge (stade 1), s’accélère (stade 2), puis finit par se stabiliser à mesure du vieillissement de la population et de l’amélioration des soins de santé (stade 3).

Pour le Canada, où les taux de MII ont grimpé en flèche depuis le milieu du XXe siècle, le modèle prédit que le pays se trouve désormais au « stade 3 » : un stade où le nombre de nouveaux cas se stabilise, mais où le nombre total de personnes vivant avec une MII continue d’augmenter.

« En utilisant l’apprentissage automatique et des techniques de modélisation pour analyser d’énormes quantités de données, nous pouvons désormais anticiper l’impact que les MII auront sur les Canadiens dans les années à venir », déclare le Dr Gilaad Kaplan.

Stade 4 : qu’est-ce que c’est et qu’est-ce que ça pourrait signifier pour le Canada?

En exploitant les données historiques et l’intelligence artificielle, les chercheurs ont identifié le prochain chapitre de l’histoire des MII : le stade 4. Ce stade marque un point d’équilibre où le nombre de nouveaux diagnostics est équilibré par le vieillissement de la population atteinte d’une MII. Bien qu’aucun pays n’ait encore atteint ce stade, le fait de le reconnaître offre aux experts un outil essentiel pour anticiper quand et comment l’impact des MII pourrait commencer à se stabiliser au Canada et dans le reste du monde.

Pourquoi est-ce important pour les patients et la politique?

Pour les personnes vivant avec une MII, ces prédictions ne sont pas de simples chiffres. Elles sont une véritable bouée de sauvetage. Les résultats de l’étude aident des organismes comme Crohn et Colite Canada, ainsi que les agences de santé gouvernementales, à planifier l’avenir — qu’il s’agisse de garantir un nombre suffisant de spécialistes et de médicaments, ou de concevoir des programmes de soutien adaptés aux patients vieillissants.

Le modèle alimenté par l’intelligence artificielle fournit également des repères clairs indiquant quand une région passe d’un stade à un autre. Cela permet aux responsables de la santé de repérer les signaux d’alerte précoces — comme une hausse soudaine des nouveaux cas chez les enfants ou l’émergence de facteurs de mode de vie nocifs — et d’agir rapidement grâce à des interventions ciblées, des campagnes d’éducation et un financement adapté.

« Notre approche prépare le terrain pour des soins de santé proactifs, explique le Dr Gilaad Kaplan. En identifiant la situation de chaque région, nous pouvons adapter les ressources et les politiques afin de répondre aux besoins spécifiques des patients à chaque stade. »

Le Dr Kaplan est professeur et gastroentérologue à l’Université de Calgary. Il a aussi codirigé le rapport Impact des maladies inflammatoires de l’intestin au Canada 2023.

Vous souhaitez en savoir plus sur l’impact des MII sur les Canadiens? Lisez le rapport dès maintenant.

 

Sarah Ehler sitting on a chair in Japan

De gauche à droite : Gilaad Kaplan, MD, MPH; Joseph W. Windsor, PhD; Lindsay Hracs, PhD. Les Drs Windsor et Hracs ont codirigé l’article publié dans Nature, tandis que le Dr Kaplan en était l’un des coauteurs principaux.

  • Les taux de ces maladies au Canada figurent parmi les plus élevés du monde.
  • 1 CANADIEN SUR 140 vit avec la maladie de Crohn ou la colite
  • Pour la première fois, les familles nouvellement arrivées au Canada contractent la maladie de Crohn et la colite
  • Depuis 1995, l’incidence de la maladie de Crohn chez les enfants canadiens de 10 ans et moins a presque doublé
  • Les gens sont le plus souvent diagnostiqué avant 30 ans.

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