Ne pas oublier Cam Lyster, et la gravité des maladies inflammatoires de l’intestin

Cam Lyster
Par Shirley Lyster​
 
Si je vous présentais mon fils Cam, la première chose que vous remarqueriez est son sourire de travers. Tout ou presque le faisait sourire. Son ouverture incitait les gens à aller vers lui et mettait tout le monde à l’aise. Il parlait aisément avec des gens de tous les âges. On sentait immédiatement que l’on pouvait se nouer d’amitié avec lui.

Son côté farceur était doublé d’un esprit perspicace et analytique. Cam adorait faire rire les gens, mais il était tout aussi aisé pour lui de participer à un débat sérieux. S’il ne savait pas quelque chose, il veillait à l’apprendre afin de ne pas se faire avoir de nouveau. Et avec lui, il fallait toujours des preuves. Si vous aviez une opinion, vous deviez bien l’étayer.

Le hockey, c’était littéralement sa vie. Il en a été ainsi dès le premier moment où il a chaussé des patins à l’âge de cinq ans. Gardien de but, il criait ses ordres à ses coéquipiers et il n’hésitait pas à recourir à un tir au barrage dans le cadre d’une période supplémentaire au cours de la finale des éliminatoires. Après une victoire, devant le regard incrédule des membres de l’équipe, il haussait les épaules en lançant : « Ça a marché, non? » Il soutenait haut et fort son équipe favorite, les Oilers d’Edmonton. Lorsque les Oilers ont recruté Connor McDavid, il était persuadé que d’autres jours de gloire attendaient l’équipe.

Son amour de la musique a vraiment commencé lorsqu’il a obtenu son permis de conduire. Il y avait un lecteur de CD dans la voiture de Cam, mais comme ce dernier ne possédait qu’un seul disque, il m’en a emprunté quelques uns. Cela a mené à de nombreuses conversations de fin de soirée à propos de Creedence Clearwater Revival, Lynyrd Skynryd, The Allman Brothers Band et The Dave Matthews Band. Nous écoutions à tue-tête du southern rock des années 70 en nous rendant à l’école. Quiconque embarquait avec Cam découvrait Creedence Clearwater Revival. Une fois, mon mari et moi lui avons donné comme cadeau de Noël des billets pour un concert de John Fogerty. La chanson favorite de Cam, « Fortunate Son », a été mal rendue sur scène et il en était très déçu!
 
Un désir de servir​
 
En 2016, Cam a été accepté au programme d’ingénieur technologue en durabilité énergétique (Energy Sustainability Engineering Technologist) au Collège communautaire de la Nouvelle Écosse, à Middleton, dans cette province.  C’était vraiment loin de chez nous, soit Camrose, en Alberta. Mais Cam avait confiance en l’avenir et il était plus que prêt à être indépendant.

Dans les quelques mois qui ont suivi son arrivée en Nouvelle Écosse, il s’est joint au 36e Bataillon des services à Aldershot, qui est une unité de la Réserve de l’Armée canadienne. Il adorait absolument tout de l’armée (sauf peut-être la nourriture!) et ses plans ont changé complètement. Il a abandonné le collège pour se concentrer sur une carrière à temps plein dans les Forces canadiennes.

Au printemps 2017, Cam est venu à la maison nous rendre visite. Il m’a alors dit qu’il avait fréquemment la diarrhée. Je lui demandé s’il se sentait stressé, s’il buvait trop souvent, s’il y avait du sang dans ses selles, s’il s’alimentait bien, bref, toutes les choses qui sont habituellement liées à la diarrhée. Il a répondu par la négative à toutes mes questions, sauf à une : il avait constaté la présence occasionnelle de sang. Il était occupé à préparer sa formation et il m’a promis que si ça empirait, il irait immédiatement voir le médecin. Il a quitté pour aller recevoir sa formation de base à la BFC Gagetown et mes communications avec lui cet été-là n’ont été que sporadiques.

À la fin du mois d’août, la quantité de sang rouge vif était plus grande. Il a pu se trouver un médecin, il a obtenu de ce dernier une orientation vers un gastroentérologue, et au début de décembre, il a reçu un diagnostic de pancolite ulcéreuse. On lui a prescrit des médicaments et on lui a donné un rendez vous de suivi.
 
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Cam ne se laissait pas abattre facilement. Il sortait d’une mauvaise expérience le sourire aux lèvres et il encourageait les autres. « Embrace the Suck » (qui, grosso modo, veut dire : « Compose avec les difficultés ») est une expression populaire dans l’armée (et c’est maintenant le nom de notre équipe de la Marche Gutsy!). Cam composait avec tout ce que la vie lui envoyait, même le fait de se faire chicaner par un caporal parce qu’il était revenu après le couvre feu. Il en riait encore plus tard. Il avait la faculté de rebondir après n’importe quelle situation. Nous nous attendions tous à cela de lui.
 
Un déclin drastique​
 
Le médicament qui avait été prescrit à Cam a rapidement perdu son efficacité, et une poussée active intense de la maladie s’est manifestée. Lorsqu’est venu le temps de son second rendez vous chez le gastroentérologue en janvier 2017, il avait perdu 30 livres. Ses symptômes – faiblesse, fatigue, besoin de se trouver à proximité de toilettes – nuisaient à son travail à la Réserve. Sa diarrhée était à son pire la nuit et il avait beaucoup de quarts pendant cette dernière. Ainsi, durant le jour, il était épuisé parce qu’il avait été éveillé toute la nuit. Les aliments qui fonctionnaient une journée ne marchaient plus le lendemain.

À travers tout cela, il tentait de bien poursuivre son travail à la Réserve. Mais, un jour, le téléphone a sonné; c’était Cam. « Mon rêve est mort », a t il déclaré. Il a pris la décision de demander d’être libéré de la Réserve et de retourner en Alberta, où on allait pouvoir prendre soin de lui.

Le frère de Cam, Greg, et moi, nous sommes envolés pour la Nouvelle Écosse afin d’aider Cam à déménager. La personne qui nous a accueillis était méconnaissable. Cam était livide. Ses lèvres étaient dénuées de couleur, sa peau était presque translucide et il perdait ses cheveux. Il avait tant de difficulté à respirer qu’il lui était impossible de monter plus de cinq marches.

Quel soulagement cela a été que de voir finalement Cam franchir la porte de notre maison. Nous étions persuadés que c’était le début de sa guérison et que nous pouvions y arriver ensemble. Maman pouvait tout régler.
 
L’appel​
 
C’était le dimanche 19 mars 2017. Cam avait un rendez vous à la Clinique des maladies inflammatoires de l’intestin de l’hôpital de l’Université de l’Alberta à Edmonton le jour suivant. Il envisageait sérieusement de subir l’ablation du côlon et il allait le mentionner à la personne qui le recevrait. En tant que famille, nous l’appuyions s’il décidait d’emprunter cette voie; nous étions prêts à tout pour qu’il aille mieux.

Tôt ce dimanche matin là, j’ai reçu un appel téléphonique de Cam. Il était dans le sous sol, incapable de trouver la force nécessaire pour crier à l’aide. Je me suis précipitée en bas pour le trouver étendu sur le sofa, en train de chercher son air, sa poitrine se soulevant et s’affaissant rapidement. Il a dit, en murmurant, qu’il était en train de vivre une crise de panique. Je lui ai frotté la poitrine et j’ai compté pour lui afin de l’aider à ralentir sa respiration. Il n’y parvenait pas.

J’ai composé le 911. Alors que j’étais au téléphone avec la personne ayant pris mon appel, Cam s’est levé d’un bond, ses jambes et ses bras ont battu l’air et il a crié. La personne au bout du fil m’a demandé de déverrouiller la porte avant, car l’ambulance était presque là. J’ai couru en haut pour déverrouiller la porte et je suis retournée à la course au sous sol. Cam était roulé en boule sur le sofa et je l’ai entendu exhaler son dernier soupir. Il a été emporté dans la mort en raison d’un intestin perforé.
 
Pas de mots, pas de solution​
 
Mon conjoint Bob et moi nous sommes mariés à l’âge de 30 ans. Nous avons eu notre premier fils, lorsque nous avions 33 ans, et Cam, à 36 ans. Bob et moi étions prêts à fonder une famille et nous consacrions notre temps à nos garçons. Ils représentaient notre petit univers. Cet univers s’est écroulé lorsque Cam est décédé.

Nous avions formé cette petite unité pendant plus de 20 ans et où en sommes nous désormais? Il n’y a pas de solution à la perte d’un enfant. Il existe des mots pour une personne qui a perdu une conjointe ou un conjoint – veuve ou veuf. Les enfants qui perdent leurs parents sont des orphelins. Il n’existe pas de mots pour décrire ce que l’on devient lorsque l’on perd son enfant, et il n’y a aucune manière de reproduire cette personne unique qui est partie.
 
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Avec la mort de Cam, nous avons perdu l’avenir que nous avions prévu. Nous avons perdu des petits enfants, des nièces et des neveux, des fêtes et des anniversaires qui ne sont pas empreints de tristesse, des réussites professionnelles et de l’aide dans nos vieux jours. Notre fils Greg a perdu son complice, son confident et son meilleur ami. Nous y pensons au quotidien. Chaque matin, nous nous réveillons et Cam n’est pas avec nous.

Il est impossible d’oublier le fait que notre fils est parti, car le deuil est synonyme d’amour, et un parent n’arrête pas d’aimer son enfant qui est décédé, tout comme un frère ou une sœur n’arrête pas d’aimer un membre de sa fratrie qui est décédé. Chacun de nous trois a composé de manière très différente avec ce deuil. Pour ma part, il s’agit du chemin le plus long, le plus solitaire sur lequel j’ai été forcée de marcher. Aujourd’hui, je choisis beaucoup plus soigneusement où mettre mon énergie. Je n’en ai plus autant qu’avant. Je m’épuise plus facilement sur les plans mental et physique. Autrefois, je pouvais prendre une décision rapidement; maintenant, cela m’est plus difficile. J’aime, plus que jamais, la solitude. Je peux passer beaucoup de temps à contempler le ciel.

Les souvenirs se rappellent à votre mémoire au moment où vous vous y attendez le moins. En marchant dans un centre commercial, j’ai vu un t shirt qui était exactement du genre que Cam aimait. La première idée qui m’est venue à l’esprit est : « Je devrais l’acheter pour Cam. » J’ai quitté le magasin en larmes.

Peu de temps après le décès de Cam, écouter la musique que lui et moi aimions était une réelle torture. Toutefois, j’écoute désormais presque exclusivement les listes de lecture qu’il avait faites. Grâce à la musique, je me sens plus près de lui. En mars 2019, une semaine avant le deuxième anniversaire de sa mort, je regarderai Lynyrd Skynyrd en sa mémoire.

Je n’ai pas pu sauver mon fils, alors le moindre que je puisse faire pour lui est de sensibiliser les gens à la maladie qui l’a emporté. C’est devenu ma mission. 

Jamais, à quelque moment que ce soit durant le court parcours de Cam avec la colite ulcéreuse, n’a t il été mis au courant que cette maladie pouvait être fatale. Je veux changer cela. Je souhaite que les personnes soient au fait de la gravité de cette maladie. Ce n’est pas « juste » la colite. Faites preuve de vigilance, suivez les recommandations du médecin et n’hésitez pas à vous rendre à l’hôpital si les symptômes s’aggravent. Faites valoir vos droits et assurez vous que votre équipe de soins de santé soit à l’écoute. Il peut être difficile de trouver les spécialistes dont on a besoin, alors veillez à ce que votre médecin de famille sache bien ce qui se passe si vous devez le rencontrer lui plutôt que le gastroentérologue. Connaissez bien votre situation et demeurez au fait des plus récents développements en recherche. Et surtout, parlez de votre maladie avec les gens, car qui dit compréhension dit acceptation.

Cam était un jeune homme qui avait tout pour lui. Ses commandants de la Réserve voyaient vraiment en lui un futur chef dans l’Armée. D’un incroyable altruisme, il se souciait toujours des autres. Au secondaire, il a décidé qu’il voulait faire des dons d’organes. Toutefois, à l’époque, il ne pouvait se douter qu’en très peu de temps, ses tissus et ses cornées allaient aider plus de 40 personnes.

Un proverbe dit qu’un homme meurt deux fois; la première fois lorsque son cœur cesse de battre, et la deuxième fois lorsque son nom est prononcé pour la dernière fois. J’espère que le nom de Cam Lyster continuera de résonner et que son héritage sera l’éducation des personnes à propos des dangers de la maladie de Crohn et de la colite ulcéreuse.

Les contributions à Crohn et Colite Canada permettent de faire progresser la recherche, les soins et les services de soutien afin que les personnes aux prises avec une maladie inflammatoire de l’intestin puissent bien vivre et atteindre leur plein potentiel. Faites votre don ici.

  • Les taux de ces maladies au Canada figurent parmi les plus élevés du monde.
  • 1 CANADIEN SUR 140 vit avec la maladie de Crohn ou la colite
  • Pour la première fois, les familles nouvellement arrivées au Canada contractent la maladie de Crohn et la colite
  • Depuis 1995, l’incidence de la maladie de Crohn chez les enfants canadiens de 10 ans et moins a presque doublé
  • Les gens sont le plus souvent diagnostiqué avant 30 ans.

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