Comprendre les expériences d’emploi des personnes atteintes de MICI : Un travail en cours

Woman-sitting-in-hairdressing-chair.jpg

Par Leslie Cheng

Étudiante à la MPH (maîtrise en santé publique), promotion de 2021
Dalla Lana School of Public Health, University of Toronto
 
Des millions de personnes au Canada vivent avec des invalidités épisodiques, qui découlent généralement de maladies chroniques comme l’arthrite, la sclérose en plaques, la maladie de Crohn et la colite ulcéreuse. Contrairement aux invalidités permanentes, les invalidités épisodiques se caractérisent par l’alternance de périodes de maladie et de périodes de bonne santé, dont la durée - et la gravité dans le cas des périodes de maladie - peuvent varier. 
 
Les personnes ayant une invalidité épisodique sont confrontées à des défis particuliers sur le lieu de travail en raison de la nature imprévisible et souvent invisible de leur état. Non seulement ces difficultés peuvent-elles avoir une incidence sur la capacité de ces employés de travailler, en plus, elles peuvent rendre plus difficile pour eux le processus consistant à réclamer les soutiens dont ils ont besoin au travail, sans compter que les employeurs peuvent avoir de la difficulté à répondre à de telles demandes de manière appropriée. Une étude récente publiée dans le Journal of Occupational Rehabilitation a mis en lumière plusieurs problèmes qui se posent couramment en matière de divulgation et de soutien en milieu de travail pour les personnes ayant une invalidité épisodique, du point de vue des organisations. Certains de ces défis comprennent la protection de la vie privée des travailleurs lorsque d’autres personnes sur le lieu de travail remarquent des symptômes ou des aménagements, le manque de ressources dans la planification des interruptions de travail intermittentes et la gestion des situations où l’incapacité au travail est interprétée à tort comme un problème de rendement au travail.
 
Comment les personnes atteintes d’une maladie inflammatoire de l’intestin (MII) vivent-elles le travail?
 
Malgré la prévalence des invalidités épisodiques, il existe des lacunes considérables dans notre compréhension de ces affections par rapport à l’emploi. De manière plus précise, nous n’en savons pas assez sur la façon dont les personnes atteintes de MII sont affectées par l’incapacité de travail. L’équipe de Crohn et Colite Canada souhaitait en apprendre davantage à propos de l’incidence des MII sur le travail, dans le but de développer des ressources qui aideront les gens à s’orienter dans le milieu de travail et à conserver leur emploi.
 
Dans le but de commencer à répondre à certaines de ces questions, j’ai effectué un stage d’été avec Crohn et Colite Canada afin d’explorer la relation entre l’emploi et les MII. Dans le cadre de ce travail, j’ai parlé avec dix personnes atteintes de la maladie de Crohn ou de la colite ulcéreuse, employées anciennes ou actuelles, de leurs expériences en milieu de travail. Ces personnes représentaient différentes communautés du Canada et travaillaient dans divers secteurs d’activité, notamment l’éducation, la fonction publique et les arts. Elles ont partagé leurs points de vue sur les problèmes courants en milieu de travail, les stratégies de gestion des symptômes au travail et les principaux types de soutien en milieu de travail. Voici les principales conclusions qui se dégagent de ces discussions :

1. Les défis sur le lieu de travail sont courants et nous n’en savons pas assez sur eux

Les participants ont décrit les difficultés rencontrées sur leur lieu de travail à différents moments de leur parcours avec une MII. Cependant, bon nombre des obstacles qu’ils ont relevés ne sont pas pris en compte dans la littérature scientifique actuellement publiée. Nous n’en savons pas non plus assez sur la façon dont différents facteurs, tels que l’âge, le sexe et la gravité de la maladie, créent des expériences et des besoins différents en matière de travail pour les personnes atteintes de MII. Ces lacunes dans la recherche indiquent qu’il est nécessaire de réaliser davantage d’études dans ce domaine. De telles études sont importantes, car elles génèrent des preuves scientifiques sur lesquelles les chercheurs et les décideurs s’appuient. À partir de ces données, les chercheurs créent des ressources nouvelles et innovantes, tandis que les décideurs s’en servent pour plaider en faveur de meilleures politiques et de meilleurs programmes en milieu de travail.

2. Une approche universelle à l’égard des aménagements du lieu de travail ne fonctionne pas

Les participants ont souligné qu’une approche universelle ne fonctionne pas lorsqu’il s’agit de gérer les symptômes des MII. Non seulement les symptômes diffèrent d’une personne à l’autre, en plus, ils peuvent aussi changer au fil du temps et alterner entre rechute et rémission. En conséquence, les besoins en matière de mesures d’adaptation peuvent évoluer. Les employeurs doivent reconnaître que si un employé n’exprime pas le besoin d’un aménagement à un moment donné, il peut toutefois en demander à un autre moment. Une participante a exprimé son soulagement de savoir que son employeur lui offre la souplesse nécessaire pour accéder à des aménagements particuliers lorsqu’elle en a besoin.
 
3. Les collègues de travail et les superviseurs peuvent être d’importantes sources de soutien
 
La plupart des personnes qui ont fait part de leur diagnostic au travail ont vécu des expériences positives. Les collègues étaient empathiques et avaient souvent un lien personnel avec une MII ou une autre maladie chronique. La divulgation a parfois contribué à faciliter les aménagements informels entre un employé et son superviseur. Par exemple, une personne a bénéficié d’un horaire de travail flexible, ce qui signifie que si elle arrivait une demi-heure en retard au travail, elle pouvait simplement rester une demi-heure de plus, sans se faire poser de questions. Elle se sentait moins stressée, car elle pouvait s’arrêter pour aller aux toilettes le long de son trajet sans craindre d’arriver en retard. Cependant, la décision de partager son état de santé est une décision personnelle et certaines personnes peuvent préférer garder cette information privée. Les lois canadiennes protègent les travailleurs contre l’obligation de divulguer leur diagnostic dans ou sur le lieu de travail.
 
4. La nourriture peut avoir une incidence sur les interactions sociales au lieu de travail
 
Partager des petits gâteaux d’anniversaire ou un repas après le travail peut être une source de rapprochement entre collègues. Plusieurs personnes ont parlé de cas où elles ont participé à ce type d’activités sociales, mais se sont senties mal à l’aise parce qu’elles ne pouvaient pas manger la nourriture proposée. Le fait pour ces personnes de refuser les offres de nourriture a parfois suscité des questions envahissantes de la part des collègues ou les a poussées à expliquer qu’elles étaient atteintes d’une MII. Une personne a déclaré qu’elle ne se sentait pas à l’aise pour expliquer sa maladie en raison de la stigmatisation associée aux maladies intestinales. Certes, certains lieux de travail se sont montrés proactifs et ont essayé de tenir compte des besoins alimentaires particuliers des personnes souffrant d’une MII, mais d’autres se sont montrés moins compréhensifs. Les événements sociaux liés au travail sont plus que de simples occasions de se mêler aux autres; ils offrent aux employés des occasions importantes de nouer des relations entre eux. Pour créer une culture d’intégration sur le lieu de travail, il faut s’assurer que les gens se sentent bienvenus non seulement dans l’environnement de travail formel, mais aussi dans ces contextes sociaux informels.
 
Ces personnes ont souligné un certain nombre d’obstacles au travail auxquels sont confrontés les gens atteints de MII. Cependant, il reste encore beaucoup à apprendre pour permettre aux personnes atteintes de MII de conserver longtemps leur emploi. Par exemple, nous devons en savoir davantage sur les personnes qui ont de la difficulté à trouver ou à conserver un emploi, sur celles qui ont des problèmes reliés à leurs symptômes extra-intestinaux et sur celles qui ont un travail de nature précaire ou imprévisible.
 
Crohn et Colite Canada participe à un partenariat de recherche visant à faire progresser notre compréhension des incapacités épisodiques et à fournir un soutien aux personnes en milieu de travail. Dirigé par des scientifiques de l’Institut de recherche sur le travail et la santé (IRST), le projet s’appelle Accommodating and Communicating about Episodic Disabilities (ACED). L’équipe ACED a publié les résultats de sa première phase et élabore actuellement une boîte à outils pour faciliter la communication et la planification des aménagements entre employeurs et employés. En fournissant aux employeurs et aux employés des outils et des ressources pratiques, l’équipe ACED a comme objectif de s’assurer que les Canadiens ayant une invalidité épisodique reçoivent le soutien dont ils ont besoin pour rester productifs sur le marché du travail.
 
Ce stage a été rendu possible grâce au partenariat de l’ACED et au soutien de la Dre Monique Gignac et du Dr Arif Jetha de l’Institut de recherche sur le travail et la santé. Pour en savoir plus sur les travaux menés par l’ACED, cliquez ici.
Retourner

  • Les taux de ces maladies au Canada figurent parmi les plus élevés du monde.
  • 1 CANADIEN SUR 140 vit avec la maladie de Crohn ou la colite
  • Pour la première fois, les familles nouvellement arrivées au Canada contractent la maladie de Crohn et la colite
  • Depuis 1995, l’incidence de la maladie de Crohn chez les enfants canadiens de 10 ans et moins a presque doublé
  • Les gens sont le plus souvent diagnostiqué avant 30 ans.

Autres secteurs d’intérêt